Le projet de loi de finances 2023, promulgué le 30 décembre 2022, apporte toute une série de changements et de nouveaux dispositifs fiscaux en matière d’immobilier. Toutefois, ils sont insuffisants pour inciter à l’investissement et pour préserver le marché. Ce projet de loi de finances (PLF) change essentiellement la donne en matière de revenus locatifs et de tranche d’imposition.
Pas d’assujettissement des locations Airbnb à la TVA
Il s'agit de l’une des rares bonnes nouvelles de cette loi de finances 2023 : les revenus de location Airbnb ne seront finalement pas intégrés aux revenus fonciers. Un amendement de ce PLF prévoyait à l’origine d’assujettir les revenus tirés des meublés de tourisme, type Airbnb, aux règles d’imposition des revenus fonciers. Cette mesure s’annonçait comme un désastre car la location meublée saisonnière est, de base, exonérée de plein droit de la TVA.
Ce type de location profite en effet des souplesses de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, permettant notamment le régime réel « BIC », et qui est généralement plus avantageuse que la catégorie des revenus fonciers, dans laquelle sont taxés les revenus de la location vide.
Seule exception à la règle, le Code général des impôts prévoit d’appliquer la TVA aux propriétaires bailleurs qui offriraient au moins trois prestations para-hôtelières parmi l’accueil de la clientèle, le service de petit-déjeuner, le nettoyage régulier du logement et la fourniture de linge de maison. Avec cet amendement, toutes les locations de type Airbnb auraient été concernées. Cette mesure aurait simplement été compensée par une franchise en base de TVA pour les propriétaires qui auraient réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 85 800 euros.
Et ce n’est pas tout : un autre article de ce PLF 2023 prévoyait également d’exclure du régime micro-BIC les propriétaires qui auraient proposé au moins trois meublés de tourisme en location dans l’année, peu importe que ces biens soient classés comme touristiques ou non. Les loueurs de meublés risquaient ainsi d’être automatiquement assujettis au régime réel à compter du 1er janvier 2023, et de ne plus bénéficier de l’abattement forfaitaire de 50%, ou de 71% si le logement meublé était classé tourisme. Fort heureusement, les articles en question ont finalement été abandonnés.
Outre la réévaluation des seuils du régime micro-BIC, qui sont actualisés tous les trois ans, il n’y aura donc pas d’évolution majeure en 2023 pour les propriétaires bailleurs qui louent leurs logements meublés de manière générale. Concernant ces seuils, le régime par défaut restera celui du micro-BIC si les recettes de la location meublée, loyers et charges comprises, sont inférieures ou égales à 77 700 euros, et à 188 700 euros s’il s’agit de meublés de tourisme classés. Ces nouveaux seuils s’appliqueront désormais jusqu’en 2025.
Pas de « flat tax » accordée au foncier
Cela aurait pu être une bonne nouvelle de plus pour les investisseurs dont la tranche marginale d’imposition est élevée, mais l’espoir aura été de courte durée. La création d’un statut d’investisseur immobilier aurait permis de soumettre les revenus fonciers à la fameuse « flat tax » d’Emmanuel Macron, ce prélèvement forfaitaire unique (PFU) qui est fixé à 30% (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux), là où les plus hautes tranches des impôts sur les sociétés oscillent généralement entre 41% et 45%. Inscrite dans la loi de finances pour 2018, cette « flat tax » sur le capital avait été créée à l’initiative du gouvernement dans le but justement d’inciter les épargnants à davantage investir leur argent dans l’économie réelle, plutôt que de le laisser dormir en banque pour obtenir des avantages fiscaux.
Malheureusement, le système d’imposition pour les revenus fonciers n’évoluera pas en 2023. Pour rappel, les propriétaires bailleurs sont imposés à hauteur de leur tranche marginale d’imposition, celle-ci étant souvent supérieure aux 30% de la « flat tax », sans compter les prélèvements sociaux de 17,2% qui s’y ajoutent. Au total, le taux d’imposition avoisine donc, au minimum, les 47,2%. Un seuil énorme, qui n’incite franchement pas à abandonner les placements d'épargne au profit de l’investissement locatif. D’autant plus que le projet proposé par les députés n’avait pourtant rien d’un cadeau fiscal puisqu’ils avaient imaginé un système dans lequel cette « flat tax » ne serait accordée que si le bien mis en location répondait à trois critères :
Louer son bien pour une durée d’au moins un an,
Garantir que ce bien soit doté d’un DPE classé entre A et D,
Limiter son bail à la tranche d’encadrement des loyers.
L’avantage qu’aurait pu offrir cette « flat tax » n’aurait donc pas été accordé sans conditions.
Reste que les propriétaires bailleurs de locations meublées auraient été perdants dans cette affaire, puisqu’ils bénéficient déjà d’un régime fiscal sur mesure au contraire des locations non-meublées. L’application de ce prélèvement forfaitaire unique n’aurait pas permis en effet de bénéficier d’autres dispositifs fiscaux, ni de bénéficier du régime des déficits fonciers. Mais ce débat reste clos, pour le moment encore.
Relèvement de la part de bénéfice assujettie au taux réduit de 15% pour les SCI à l’IS
La commission des finances de l’Assemblée nationale avait adopté un amendement visant à exclure les « sociétés à prépondérance immobilière » du taux réduit de 15 % pour les sociétés soumises à l’IS répondant à certains critères. Ça aurait été un coup dur pour les investisseurs qui privilégient la SCI pour se positionner sur le marché immobilier. Cette structure leur permet en effet de profiter du taux réduit qui s’applique pour la part des bénéfices de leur société compris en dessous de 38 120 euros. Alors que le taux normal d’imposition sur les sociétés est fixé à 25 %, le taux réduit de 15% permet aux investisseurs de multiplier les structures.
Fort heureusement, l’exclusion des SCI ne figurait déjà plus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Par ailleurs, la loi de finances entérine le relèvement de la part du bénéfice bénéficiant du taux réduit. Ce sont désormais les 42 500 premiers euros de bénéfices qui sont taxés à 15 % (contre 38 120 € jusqu’ici).
Rappelons que ce taux réduit ne concerne que les sociétés dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10 millions d’euros.
De manière générale, si le régime d’imposition sur le revenu (IR) est généralement choisi pour une SCI, notamment familiale, afin de transmettre du patrimoine aux héritiers, l’impôt sur les sociétés (IS) est privilégié par les associés qui souhaitent réaliser beaucoup de bénéfices. Ce mode d’imposition permet d’éviter de se faire taxer à titre personnel si les associés ne perçoivent pas de dividendes. La SCI à l’IS, au contraire de la SCI à l’IR, n’est en effet redevable à l’impôt sur les bénéfices qu’en cas de distribution de dividendes ou de perception de rémunération. Il permet aussi de déduire une part des charges des bénéfices comme la rémunération du gérant, pour réduire encore l’assiette de l’impôt.
Augmentation de la TLV et élargissement à d’autres villes
Si ça ne suffisait pas, la taxe sur les logements vacants (TLV) s’étend désormais à de nouvelles villes en 2023, tandis que le taux d’imposition augmente d’un tiers. Avant 2023, seules les communes situées en zones tendues étaient concernées par cette taxe. Elle s’appliquait en effet aux agglomérations de plus de 50.000 habitants dans lesquelles il existe un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de logements et marquées notamment par des loyers élevés ou de forts prix d’acquisition dans l’ancien.
Mais depuis le 1er janvier 2023, cette TLV s’applique désormais aux communes situées en dehors de la zone tendue, qu’elles fassent partie ou non d’une agglomération, qui présentent un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de biens. Un nouveau critère fait ici son apparition : la forte proportion de résidences secondaires par rapport au nombre total de logements.
- Un décret doit fixer la liste des nouvelles communes concernées. On parle d’une extension de la TLV à 5.000 communes, contre un peu plus de 1.000 aujourd’hui !
Les propriétaires concernés sont toujours ceux dont le logement, appartement ou maison, est vide depuis plus d’un an, au 1er janvier de l’année d’imposition. Ils doivent alors régler la taxe sur les logements vacants (TLV). Un logement étant considéré comme vacant lorsqu'il dispose d’un minimum d’éléments de confort, tels que l’eau courante, des équipements sanitaires et des installations électriques, mais qu’il est vide de tout meuble ou de mobilier, ce qui empêche son occupation.
Mais ce n’est pas tout. En plus de s’étendre à de nouvelles villes, la TLV augmente de plus d’un tiers en 2023 et passe de 12,5% la première année de vacance, à 17%. Elle passera ensuite de 25% à 34% les années suivantes. L’objectif du gouvernement est d’envoyer un signal clair aux propriétaires concernés qui n’occuperaient pas ces logements, ou ne les proposeraient pas à la location. C’est du moins le prétexte avancé.
Quant à la notion d'occupation, il faut occuper le logement à titre de résidence principale. A défaut, vous risquez de devoir payer une surtaxe sur les résidences secondaires (en plus de payer une taxe d'habitation sur les résidences secondaires). Or, comme pour la TLV, ce sont désormais environ 5.000 communes qui pourront voter une surtaxe sur les résidences secondaires.
La loi de finances laisse d’ailleurs un délai exceptionnel aux communes pour voter une surtaxe avec une application dès 2023. Alors qu’en général, ce type de délibération doit être voté avant le 1er octobre pour être applicable l’année suivante, les communes ont jusqu’au 28 février pour instituer une surtaxe dès 2023. D’ici là, la liste des communes pouvant le faire aura été publiée…
Pour être complet, signalons que le même délai exceptionnel est accordé aux collectivités pour décider d’étendre la taxe d’habitation aux logements vacants. Rappelons en effet que, dans toutes les communes où ne s’applique pas la TLV, la commune et l’intercommunalité peuvent, qu’il y ait ou non un manque de logements disponibles, décider d’assujettir à la taxe d’habitation des logements inoccupés. À la différence de la TLV, la vacance doit ici être d’au moins deux ans.
Remplacement des dispositifs Censi-Bouvard et Pinel par Pinel+
Dans la grande valse de mesures qui disparaissent ou évoluent, il faut noter la suppression du dispositif Censi-Bouvard depuis le 31 décembre 2022.
Ce dispositif permettait aux propriétaires de défiscaliser une partie de leurs revenus en faisant l’acquisition d’un logement neuf et meublé au sein d’une résidence de services, notamment à destination des seniors, des étudiants ou des personnes en situation de handicap. Mais tout n’est pas fini.
Le dispositif Pinel, qui aurait dû disparaître également après le 31 décembre dernier est quant à lui reconduit jusqu’au 1er avril 2023 dans sa forme fiscale la plus avantageuse. Les investisseurs ont donc une petite rallonge supplémentaire pour bénéficier de la loi Pinel à taux plein qui, pour rappel, permet une réduction d’impôt allant jusqu’à 21% du prix de revient d’un logement, dans la limite de 5 500 euros par mètre carré et de 300 000 euros d’investissement total. La condition étant de proposer ce logement en location sur une période déterminée, entre six, neuf ou douze ans, avec un loyer plafonné et pour des locataires dont les ressources ne dépassent pas certains seuils.
Attention cependant, cette bonne nouvelle reste relative puisque les taux de réduction fiscale deviendront moins alléchants que ceux de 2022, passé le 1er avril, et ils le deviendront de moins en moins encore d’ici le 31 décembre 2024, date de fin programmée pour ce dispositif. Ainsi, pour un achat immobilier réalisé avant le 1er avril 2023, les réductions d’impôts seront maximales et correspondront à :
12% de remise fiscale pour 6 ans de location,
18% pour 9 ans,
21% pour 12 ans.
Pour un achat réalisé entre le 1er avril et le 31 décembre 2023, la réduction sera de :
10,5% pour 6 ans de location,
15% pour 9 ans,
17,5% pour 12 ans.
Enfin, pour un achat réalisé entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2024, les réductions diminuent encore à :
9% pour une location de 6 ans,
12% pour 9 ans,
14% pour 12 ans.
Mais, pour continuer de bénéficier des réductions fiscales maximales, le gouvernement a élaboré le « Pinel Plus », ou Pinel+, qui se superpose au dispositif Pinel précédent, depuis ce 1er janvier 2023. Sous conditions, évidemment. Conditions drastiques, cela va sans dire : le bien devra par exemple être situé dans une ville admissible au Pinel+, mais aussi respecter des critères de confort. Les biens éligibles devront ainsi être plus grands, mais aussi doublement exposés, pour une meilleure luminosité, s’ils disposent de plus de trois pièces. Ils devront, enfin, être plus performants, puisqu’ils devront avoir été conçus en respect des normes RT 2012 ou RE 2020. Cela fait beaucoup de critères et si l’on prend en compte le plafonnement des loyers, également imposés par le gouvernement, la rentabilité de l’investissement Pinel commence tout doucement à poser question sur le long terme.
Reconduction de plusieurs dispositifs
Concernant « Ma PrimeRénov’ », instaurée pour inciter les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique de leur logement, cette aide s’applique tandis que les nouveaux critères de DPE forcent tout bonnement les propriétaires bailleurs de biens énergivores, classés entre E et G, à soit vendre, soit rénover, sous peine de contrainte allant crescendo, limitant fortement les conditions de location.
Certes, le gouvernement a prévu, pour 2023, une grosse enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour garnir cette prime, mais le prix à payer pour les propriétaires bailleurs est lourd à assumer et pose la question des répercutions à moyen et long terme sur le marché locatif, alors que le nombre de biens disponibles à la location commence déjà à se tarir à cause du nouveau DPE. |
Toutefois, il faut ajouter à cela la reconduction du Prêt à Taux Zéro en 2023. Ce PTZ, qui permet de faciliter l’acquisition de la première résidence dans l’immobilier ancien, ou neuf selon les zones définies, a en effet été reconduit sur tout le territoire pour un an supplémentaire, jusqu’au 31 décembre 2023. Sous condition de ressources, le taux d’intérêt restera fixé à 0% et financera jusqu’à 40% du projet immobilier.
À titre d’exemple, les plafonds de ressources s’échelonneront de 24 000 euros pour un bien situé en zone C, ne logeant qu’une seule personne, à 118 400 euros pour un foyer comprenant huit personnes ou plus, souhaitant acquérir un bien neuf en zone A ou A bis.
Le dispositif Malraux, qui permet de défiscaliser l’investissement locatif, est également prolongé d’un an. Il permet de bénéficier de 30% de réduction d’impôt sur les dépenses de restauration, à condition que le bien soit situé dans des quartiers spécifiques, le but étant de préserver le patrimoine esthétique et historique français.
Enfin, le dispositif Denormandie est lui aussi prolongé jusqu’au 31 décembre 2023, pour l’investissement dans l’immobilier ancien. Les propriétaires doivent, pour en bénéficier, réaliser des travaux de rénovation à hauteur de 25% du prix total de l’opération, qui comprend à la fois l’acquisition et les travaux. L’objectif du gouvernement étant de proposer davantage de logements à la location. Après avoir imposé le plafonnement des loyers et le nouveau DPE, c’est un peu ironique.
Autres mesures :
- La révision des valeurs locatives est repoussée de deux ans
La valeur locative est l’un des éléments de calcul des différents impôts fonciers. Or, ces valeurs locatives reposent actuellement sur les loyers constatés en 1970. Il est envisagé, depuis quelques années, de faire évoluer le calcul de la valeur locative des logements d'habitation et des locaux servant à l’exercice d’une activité salariée à domicile.
Le calendrier initial prévoyait de collecter en 2023 les loyers pratiqués par les propriétaires bailleurs pour appliquer les nouvelles valeurs locatives à partir de 2026. Finalement, l'agenda a été modifié et les valeurs locatives seront déterminées sur les loyers pratiqués en 2025 pour une mise à jour à partir de 2028.
- Toujours une exonération pour les locations meublées en résidence principale
Autre bonne nouvelle : Les personnes qui louent, ou sous-louent, une partie de leur habitation principale pourront toujours être exonérées d’impôt sur les revenus issus de cette location, s’il s’agit d’un meublé. L’exonération est en effet prolongée jusqu’au 15 juillet 2024 alors qu’elle devait disparaître à au 31 décembre 2023. En revanche, l’exonération prévue pour ce type de location, en chambre d’hôtes, pour des recettes qui ne dépassent pas 760 euros par an, ne sera plus d’actualité à la fin de l'année 2023.
Pour profiter du premier type d’exonération fiscale, il faut respecter certaines conditions :
Le meublé doit être situé dans la résidence principale du propriétaire, la partie louée ne pourra pas être indépendante, ce qui limite fortement les possibilités.
Ce meublé devra aussi constituer la résidence principale du locataire, un étudiant par exemple. Elle pourra faire office de résidence temporaire en revanche s’il s’agit de loger un travailleur saisonnier.
Le prix de cette location devra être fixé dans des limites dites « raisonnables », qui correspondent à des plafonds de loyer par mètre carré de surface habitable, sans les charges.
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