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Photo du rédacteurUNPI BFC Dijon

Les troubles anormaux du voisinage

Dernière mise à jour : 27 juil. 2021

Propriétaire occupant, propriétaire bailleur ou encore locataire, tous peuvent être confrontés d'une manière ou d'une autre aux troubles du voisinage. Quel que soit leur type, auditifs, olfactifs ou visuels, les troubles ne sont pas répréhensibles. Ils ne seront sanctionnés que s’ils excèdent les inconvénients normaux du voisinage. Il faut différencier les troubles anormaux du voisinage avec les troubles provenant des activités professionnelles.


Qu’est-ce qu’un trouble anormal du voisinage ?

Appréciation du caractère anormal du trouble.

Que l'on vive en ville ou à la campagne, en copropriété ou dans une maison individuelle, le bruit et les autres troubles que l'on peut subir par notre voisinage ne sont pas tous répréhensibles. Ils le seront quand ils excèderont les inconvénients normaux du voisinage.

Les juges se sont fondés sur l'article 651 du Code civil pour définir et qualifier un trouble anormal du voisinage. Selon cet article, les propriétaires sont soumis à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, et ce indépendamment de toute convention. Parmi ces obligations, on retrouve celle de ne pas nuire à autrui de quelque façon qu'il soit.

Le juge doit ainsi rechercher le caractère du trouble invoqué par rapport aux inconvénients normaux du voisinage (1). Les juges évaluent la limite de la normalité des troubles du voisinage en fonction des circonstances de temps et de lieu (2).

Il convient de noter que le respect des dispositions légales n'empêche pas de qualifier un trouble anormal du voisinage (3). Les juges prennent en compte un seuil de tolérance. Seront ainsi pris en compte l'intensité, la fréquence, la durée, l'environnement dans lequel se produit la nuisance et le respect de la réglementation en vigueur.

Troubles entre particuliers

Il existe différentes nuisances qui peuvent mettre à mal les relations entre voisins. Celles-ci peuvent être visuelles, olfactives ou encore auditives.

1. Concernant les nuisances visuelles, l'article 674 du code civil impose ainsi aux propriétaires de respecter des distances pour certains ouvrages pour ne pas nuire à leur voisin. Est ainsi une nuisance visuelle la privation d’ensoleillement due à la hauteur d’une construction d’un immeuble de 24 mètres de haut dans une zone pavillonnaire.

2. Les nuisances olfactives peuvent être considérées comme un trouble anormal de voisinage, peu importe que l’auteur soit un particulier ou un professionnel. Si les odeurs générées par votre voisinage deviennent insupportables, vous pouvez avertir le service communal d'hygiène et de santé de votre mairie. Le maire pourra ainsi mandater un inspecteur de la salubrité pour qu'il établisse un constat. Si le trouble est confirmé, l'auteur de la nuisance peut faire l'objet d'un rappel à l'ordre et, en cas de persistance du trouble, d'une mise en demeure. Si cette mesure n’est pas suffisante, il faudra alors saisir le juge.

A ainsi été considérée comme une nuisance olfactive la présence d’un abri d’un poney à moins de 5 mètres de la maison voisine apportant ainsi de fortes odeurs et une présence importante de mouches ou encore l’emplacement et l’usage d’un barbecue dans le seul but de nuire à ses voisins.

3. Concernant les nuisances sonores, il convient de différencier les troubles anormaux du voisinage, survenant la journée, et le tapage nocturne qui est une infraction spécifique visant le bruit survenant entre le coucher et le lever du soleil (R. 623-2 Code pénal).

Il y a 2 conditions à réunir pour qualifier un tapage nocturne :

  • L'auteur du bruit a conscience du trouble qu'il engendre

  • Il ne prend aucune mesure pour faire cesser cette nuisance

Parmi les nuisances sonores, les tribunaux ont connu des cas de nuisances relatives aux bruits spécifiques au monde rural tels que les chants d’un coq ou encore les tintements des cloches d’une église. La jurisprudence n’est pas constante en la matière, elle prend en compte les circonstances de lieu, de temps et de fréquence des bruits. Par exemple, la cour d’appel de Dijon a jugé que le chant du coq était un trouble anormal du voisinage et que l’animal devait être éloigné des voisins alors que la cour d’appel de Riom a retenu que cela faisait partie des bruits normaux de la campagne.

C’est ainsi qu’a été proposée en 2019 une loi qui ajouterait la notion de trouble anormal de voisinage en droit positif pour permettre plus d’homogénéité dans les décisions de justice sur l’ensemble du territoire national. Une loi a ainsi été promulguée le 29 janvier 2021 et a modifié l’article L. 110-1 du code de l’environnement en ajoutant l’expression “les sons et odeurs qui les caractérisent”(4) pour indiquer que ces éléments appartiennent au patrimoine national. Cette loi prévoit également dans son article 3 que le Gouvernement a jusqu’au 30 juillet 2021 pour présenter au Parlement un rapport examinant la possibilité d’introduire dans le code civil le principe de la responsabilité pour trouble anormal du voisinage (5).

Concernant les habitants d'une copropriété, le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble du voisinage s'applique à tous les occupants d'un immeuble, quel que soit leur titre d'occupation (6). Le règlement de copropriété ne peut pas décharger un copropriétaire de sa responsabilité pour trouble du voisinage (7). Lorsqu'un occupant est victime d'un trouble anormal du voisinage, il est pertinent de se référer à ce document car il peut prévoir des restrictions supplémentaires. Cependant, le juge ne peut apporter aucune restriction excédant celles stipulées au règlement de copropriété (8).


Troubles par des professionnels

Il existe 3 grandes catégories d’activités professionnelles qui peuvent engendrer des troubles anormaux du voisinage, notamment en ville :

  1. Les bars et les restaurants

  2. La musique

  3. Les chantiers de travaux.


Concernant les bars et les restaurants, ceux-ci sont soumis à plusieurs règles dont :

  1. Respecter les horaires d'ouverture et de fermeture des débits de boisson et les éventuelles restrictions d’horaires supplémentaires.

  2. Veiller à ne pas nuire au voisinage.


Pour les activités de musique et de karaoké, peu importe le moment de la diffusion de musique et peu importe également s'il s'agit de l'activité principale ou non de l'établissement. Il existe des niveaux sonores maximum spécifiques à chaque cas. Si ces bruits d'activité sont occasionnés la nuit, on parle d’activités anormales. Enfin, les chantiers sont bien entendu considérés comme une activité bruyante par nature mais l'entrepreneur doit prendre des précautions pour limiter le bruit, respecter les horaires imposés et les conditions d'utilisation ou d'exploitation des matériels ou équipements. De plus, ils ne doivent pas avoir de comportements anormalement bruyants. Ce ne sont pas les seules activités qui peuvent engendrer des troubles anormaux du voisinage. Ainsi, une activité agricole peut engendrer des nuisances comme des troubles olfactifs ou sonores. La jurisprudence prend en compte l’antériorité de l’activité pour déterminer s’il y a nuisance anormale ou non (Code de la construction et de l’habitation, article L. 112-16).



Quels sont les recours en cas de trouble anormal du voisinage

A. Les recours possibles entre particuliers

Dans un premier temps, il est important de tenter une démarche amiable. Vous pouvez ainsi tenter de vous entretenir directement avec l'auteur des nuisances puis lui envoyer un courrier simple et si cela n'est pas suffisant, une lettre de mise en demeure. Toutefois, la mise en demeure n'est pas une condition préalable à l'exercice de l'action en responsabilité pour trouble anormal du voisinage (9).

Si vous habitez en copropriété, la première démarche à effectuer est de vous adresser au syndic. Il a pour devoir de faire assurer le respect du règlement de copropriété. Il pourra mettre en demeure l'auteur des nuisances de cesser son comportement. Il peut également, avec l'autorisation de l'assemblée générale, mandater un huissier de justice pour faire constater les bruits et même saisir le tribunal des référés en cas d'urgence.

Vous pouvez également vous adresser au maire de votre commune qui a un pouvoir de police. Il a l'obligation de garantir la tranquillité des habitants de la commune. Les autres autorités compétentes sont la police nationale ou la gendarmerie. Lors de leur première intervention, il se contenteront de faire un rappel à la loi à l'auteur des nuisances. Si la nuisance persiste, ils dresseront un procès-verbal de constat d'infraction qui sera transmis au procureur de la République et pourront infliger une amende à l'auteur du trouble.

Il est important de se constituer des preuves, notamment en cas de saisine du tribunal. Pour cela, vous pouvez faire appel à un huissier de justice pour qu'il constate les nuisances. D'autres preuves sont néanmoins recevables comme de simples témoignages, des pétitions, les courriers échangés et un certificat médical si votre état de santé s'est dégradé à cause de ces agissements. Ces preuves doivent avoir été recueillies de façon loyale.

Avant toute saisine du juge, une tentative de conciliation est désormais obligatoire. C'est seulement en cas d'échec de celle-ci que vous pourrez saisir le juge compétent pour demander la réparation de votre préjudice et la cessation des nuisances. Les mesures prises par les juges peuvent être l'octroi de dommages et intérêts, l'insonorisation du logement de l'auteur des nuisances ou encore la résiliation du bail quand l'auteur est locataire.

Il peut y avoir exonération de la responsabilité pour troubles anormaux du voisinage en cas de force majeure (10). Ces cas d'exonération sont toutefois bien encadrés notamment par la jurisprudence.

S’il existe bien un droit à la tranquillité, il faut toutefois éviter d’en abuser au risque d’être condamné pour procédure abusive. Celle-ci sera retenue par exemple par le juge lorsqu’elle est fondée sur des faits inventés ou volontairement exagérés.

En plus de ces recours, il convient de noter que, lors d’une vente d’un bien immobilier, si l’acquéreur n’a pas été informé par le vendeur des troubles incessants causés par un voisin, il pourra demander l’annulation de la vente ou la réduction du prix.

B. Recours en cas de troubles commis par l'activité professionnelle.

Quand le trouble est commis par une activité professionnelle, les démarches pour exercer un recours, qu’il soit amiable ou judiciaire, sont, à quelques différences près, similaires pour toutes les activités professionnelles.

Si le bruit provient du rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété, il faut contacter le syndic pour s'assurer du respect du règlement de copropriété, à défaut, le syndic peut le mettre en demeure le professionnel de cesser le trouble. Vous pouvez également vous adresser au maire qui pourra mettre en demeure l’auteur de cesser le trouble ou bien décider de la suspension temporaire de l'activité.

Pour les chantiers, vous pouvez vous adresser au maire ou au préfet pour connaître les conditions de réalisation du chantier et les horaires autorisés. En cas d'irrespect, il convient de demander un constat par un agent municipal assermenté, la mairie pourra ainsi le mettre en demeure de cesser le bruit. Si l’entrepreneur respecte ces règles, il conviendra d’engager une tentative de conciliation et, si celle-ci échoue, il faudra saisir le juge.


Vous pouvez, pour vous constituer des preuves, mandater un huissier de justice pour qu’il constate le trouble.


Enfin, vous pouvez saisir le juge pour obtenir des dommages et intérêts et pour faire cesser les nuisances. Pour cela, il faudra au préalable tenter une procédure de conciliation. Si celle-ci échoue, vous pouvez recourir au juge. Celui-ci pourra, si le trouble est constaté, condamner l’auteur du trouble à plusieurs sanctions telles que : des dommages et intérêts, des travaux d'insonorisation, la fermeture provisoire de l’établissement, la confiscation du matériel (musique) ou encore l’interruption de l’activité (chantier).

Comme pour les troubles entre particuliers, il existe des cas d’exonération de responsabilité qui sont la force majeure et l’antériorité de l'activité professionnelle qu’elle soit agricole, industrielle ou artisanale (11). Toutefois, ces cas d’exonération sont encadrés par la jurisprudence.

Pour exemple, l'antériorité de l'activité occasionnant des nuisances n'exonère pas son auteur de sa responsabilité à l'égard des voisins si cette activité n'est pas exercée en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires (12).


NB : Depuis 2007, les bailleurs peuvent, par le biais d'une clause résolutoire, mettre fin au bail pour trouble anormal du voisinage. La résiliation de plein droit ne sera toutefois possible que si le bailleur peut se prévaloir de troubles anormaux du voisinage déjà constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée (art 4 de la loi du 6 juillet 1989).

Cette loi a également imposé au bailleur l'obligation de mettre en demeure le locataire afin de faire cesser ces troubles (art.6-1 de la loi du 6 juillet 1989).


Notes :

(1) Civ 3e, 24/10/1990

(2) Civ 3e, 3/11/1977

(3) Civ 3e, 12/10/2005

(4) Art. L.110-1 du code de l’environnement.

(5) Loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises

(6) Civ 2e, 17/03/2005

(7) Civ 3e, 20/02/1973

(8) Civ 3e, 17/01/1996

(9) Civ 2e, 25/11/1992

(10) Civ 2e, 5/02/2004

(11) CCH L.112-16

(12) Civ 3e ; 10/10/1984

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